Peut-on faire de la politique sans les partis? droits et devoirs pour l'humanité (lundi 24 novembre 2025)
Pour ceux qui ne peuvent pas attendre....
Vous pouvez écouter :
Nadia TAIBI, "Lire et relire Simone WEIL : pourquoi il faut supprimer les partis", 2021, 19 min à réécouter sur la chaîne Youtube de Nadia Taibi ici.
C'est un commentaire du petit texte de Simone WEIL, "Note sur la suppression générale des partis politiques"n rédigé en 1942, dans le cadre du CNR, publié en 1943; disponible en PDF ici, ou à écouter ici. On le trouve aussi dans le volume Simone WEIL, Luttons-nous pour la justice? manuel d'action politique, édité par Pascal DAVID.
Puis :
Frédéric WORMS et Ali BADIOU, Simone Weil, sur France Inter "L'enracinement" (19 mini ici) "La justice" (19 min, ici). A compléter peut-être avec Chantal DELSOL etAdèle Van Reeth, émission des Chemins de la Philosophie, série "Simone Weil, une philosophe sur tous les fronts", épisode "L'enracinement, premier besoin de l'âme"
Et commencer à lire :
L'Enracinement. Prélude à une déclaration des devoirs envers l'être humain, publié par Albert CAMUS chez Gallimard, en 1943 après la mort de Simone Weil;
il existe une version réduite et commentée chez Gallimard dans la collection Folio + : Les besoins de l'âme; une présentation express par Frédéric WORMS en 3 min dans son émission "Le pourquoi du comment" du 27 avril 2022, sur le site de France Culture ici; Vous pourrez trouver une version audio du livre sur la chaine Youtube Aletheia ici.
Lien avec la séance précédente
Qu'est-ce que la politique?
La polis : la vie collective des citoyens dans l'Antiquité
Emission avec Charles PEPIN du samedi 1er novembre 2025, La question philo, "Pourquoi sommes-nous faits?", ici.
Nous réalisons notre essence humaine en participant à la vie de la cité : c'est aux hommes de délibérer à agir plutôt que de laisser la chance ou la nature gouverner leur vie (voir Hannah ARENDT et l'action entendue comme action politique - l'année dernière)
Cf. L'expérience de la grève (atelier précédent) : sentiment de dignité et de partage d'un destin commun.
Cf. une certaine vision de la laïcité, celle défendue par Henri PENA RUIZ par exemple.
Démocratie ancienne et démocratie moderne
Benjamin CONSTANT. De la liberté des anciens comparée à celle des modernes (1819) (petit résumé Wikipédia ici).
-d'un côté "la participation active et constante au pouvoir collectif", le civisme
-de l'autre la défense de l'individualisme et des droits privés, "l'indépendance individuelle" et "la sécurité dans les jouissances privées".
Déclarations de droits
Dans notre référentiel, nous sommes habitués à penser les rapports entre les citoyens en termes de "droits". Si nous avons conscience que ces droits impliquent des devoirs, nous mettons l'accent sur les droits et n'acceptons les devoirs que s'ils sont l'envers de droits.
C'est ainsi par exemple que la Déclaration des droits de l'homme de 1789 établit que : -"Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits" (art.1), et que
-"La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi." (art. 4)
Etablir la justice?
Il semble que l'exigence moderne aille en faveur d'un ordre juste, entendu souvent sur le modèle du "contrat social" tel qu'il a été défini par exemple par ROUSSEAU à l'époque des Lumières, avec des variantes chez HOBBES, KANT etc., puis modernisé au XXe s. par John RAWLS : un équilibre des droits qui assure l'égalité et la liberté.
Pourquoi les partis semblent-ils nécessaires à la vie politique?
Des professionnels des dossiers, et de la parole : des représentants
Pluralisme : les différents partis représentent les différentes convictions, et devraient permettre, dans les démocratie, d'exprimer les volontés des citoyens. On associe plutôt les partis au débat!
L'ennemi c'est le totalitarisme, le parti unique.
Quelle critique Simone Weil leur adresse-t-elle?
Le cas du Parti Communiste... D'abord enthousiasmée par le Parti Communiste, elle finit par considérer qu'il ne défend plus les intérêts des ouvriers. Elle reçoit Léon TROTSKI chez elle - et lui tient tête!
Cf. émission Nadia TAIBI "Lire et relire Simone Weil : La révolution est-elle un vain mot?" (ici) : oui c'est un mot et pas une action? un mot magique qui semble capable de compenser toutes les souffrances, analyse Simone WEIL dans Réflexion sur les causes...; les vraies transformations prennent du temps (une idée que l'on trouve déjà au XVIIIe s. dans Qu'est-ce que les Lumières? de KANT et dans L'esprit des lois de MONTESQUIEU
Dans son émission "Simone Weil et notre temps : Philosopher penser résister "(ici) Nadia TAIBI décrit Simone WEIL comme "engagée sans être partisane", en quête de "lucidité" : elle cherche à penser son temps, à prendre le réel pour objet (l'organisation du travail par exemple) - sans être soumise à des grilles idéologiques. Elle se propose la maxime suivante, empruntée à SPINOZA, : "En ce qui concerne les choses humaines, ne pas rire, ne pas pleurer, ne pas pleurer, ne pas s'indigner, mais comprendre" (exergue du Traité théologico-politique)
Nadia TAIBI, toujours, dans son émission "Lire et relire Simone Weil : c'est quoi le prestige?" ici), explique que Simone Weil cherche à comprendre le réel, pas les images (cf. allégorie de la caverne). Or le pouvoir est essentiellement réputation, apparence (une idée déjà développée au XVIIe s. par PASCAL dans les Pensées); cf. l'histoire du vaillant petit tailleur de GRIMM : j'en ai tué dix (des mouches); son projet politique est de se mettre à distance avec les images, tout en sachant que nous en projetons;
Pour l'analyse du rôle des partis politiques, on peut lire tout particulièrement Note sur la suppression générale des partis politiques.
Les "partis" français sont la perversion des "parties" (clubs) anglais : ils sont devenus une entité belliqueuse et hermétique : ils mobilisent les partisans en utilisant la notion d'ennemi - ça vous rappelle quelque chose?
Chaque parti est donc par définition totalitaire, car il inverse les moyens et les fins : le pouvoir devient une fin en soi! La fin devrait être le bien commun, pas la victoire de quelques individus.
"L'intérêt général" cher à Rousseau se transforme en passion collective, qui perd aussi bien les subjectivités que l'universalité et la transcendance.
Le parti construit une "vérité", fictive, en corrompant le langage. La propagande est d'autant plus efficace qu'elle écrase l'esprit critique, cf. Rithy PANH qui a travaillé sur le génocide de Khmers Rouges.
Le parti une fois constitué vit comme " un animal à engrais".
Il met en place, de façon inévitable, le mensonge car il est impossible d'exprimer un point de vue critique. Or il est impossible d'être fidèle au parti tout en cherchant honnêtement la vérité et la justice.
Cf. Sa critique des " professionnels de la parole" (atelier précédent)
Les partis empêchent donc les deux conditions nécessaires pour que la justice existe : l'absence de passion collective (or les partis exacerbent les passions pour provoquer la mobilisation), et l'expression sur la vie véritablement publique (pas la défense des intérêts privés)
Que propose-t-elle à la place?
Des revues plutôt que des partis, au service de la liberté d'expression orienter vers la recherche de la vérité
En réponse aux défauts des partis la première solution très concrète qu'elle propose est de les supprimer et de les remplacer par des revues. Ainsi on pourrait penser plutôt qu'opiner. Dans ces conditions on pourrait élaborer des " lois majestueuses", grâce à une véritable fluidité de collaboration et une authentique liberté d'expression.
Est-ce qu'on peut imaginer ça ??
Une refonte complète de l'idée de la dignité et de la personne, ainsi que de la définition de l'Etat
De façon plus globale, la racine du mal selon Simone Weil, c'est l'inversion entre les hommes et les choses. L'exigence et l'urgence sont donc de considérer et traiter les hommes à leur place... c'est la tâche que se propose de présenter l'Enracinement.
Il s'agirait de proposer une organisation politique idéale, qui serait un moyen pour que les hommes vivent bien, c'est-à-dire que le but serait de permettre à chaque homme de rechercher l'universel, pour bâtir le bien général. Les institutions doivent rester des moyens, des intermédiaires, et non pas des buts en soi.
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A écouter :
Répliques animée par Alain FINKIELKRAUT, "Penser avec Simone Weil", émission du 24 aout 2024, avec Pascal DAVID et Alice MENNESSON, 54 min, à écouter sur le site de France Culture ici.
Aida NDIAYE et Cecile RENOUARD, " L'enracinement" dans la série "avoir raison avec Simone Weil" d'août 2021 (29 min).
Des besoins vitaux - du corps mais aussi de l'âme
Dans l'Enracinement, elle part des besoins de l'être humain, qui donnent lieu à des devoirs, pensés sur le modèle du devoir de nourrir l'être humain quand il a faim ou de le protéger quand il a froid, c'est-à-dire des besoins vitaux du corps. De la même façon il existe des besoins vitaux de l'âme.
Pour Simone Weil c'est parce que le nazisme a cherché la grandeur sans la spiritualité qu'il est devenu barbare.
Pourquoi des devoirs plutôt que des droits?
Comme MARX, elle pense que la Déclaration des droits de l'homme est abstraite.
Selon S. Weil, les devoirs sont plus réels que les droits (début Enracinement) :"la notion d'obligation prime celle de droit"; seule l'obligation est universelle, et est la vraie réponse au malheur.
Et le devoir est une obligation inconditionnée et universelle. Même si on est seul on peut avoir des devoirs - pas des droits : c'est la seule chose qu'on peut vraiment exiger.
Quels sont ces besoins?
Le premier besoin est le besoin d'ordre. Il faut un " tissu de relations sociales tel que nul ne soit obligé de violer des obligations ,pour en accomplir d'autres"
La responsabilité, le sentiment d'être utile dans la collectivité. C'est un devoir pour chacun, en tant que personne responsable de ses actes, et pour les gouvernements
" le travail doit être le centre spirituel d'une vie ordonnée". Bien entendu c'est le bon travail, pas le travail dégradé : celui qui éclaire la distinction entre le nécessaire et le prestige, celui qui est consentement à la nécessité (pas souffrance dans des rapports de force). Dans ces conditions le travail est un contact privilégié avec le réel, car l'attention que nous mobilisons nous fait sortir de nous-mêmes.
L'enracinement. "l'enracinement est le besoin le plus important et le plus méconnu de l'âme humaine" : l'homme appartient à un monde concret, une collectivité : nous avons un corps, une langue, une patrie. C'est la " participation active et naturelle a une communauté"; " chaque homme a besoin d'avoir de multiples racines". C'est ce qui manque selon elle dans le marxisme et l'existentialisme, désincarnés.
La classe ouvrière et le monde paysan, comme les peuples colonisés, sont déracinés, victimes d'influences étrangères qui détruisent leurs valeurs propres. " Qui est déraciné déraciné, qui est enraciné ne déracine pas "
Pour elle c'est à partir de cet ancrage que nous pouvons atteindre l'universalité. Mais si nous restons, comme certains juifs, dans la particularité, l'enracinement n'est pas bon non plus. Les communautés doivent servir d'intermédiaire (metaxu) entre les individus et l'universel - si elles deviennent un but elles se transforment en idoles.
"nous avons des racines dans le ciel" : les collectivités n'ont pas à s'opposer mais à être solidaires.
Des besoins contradictoires : incohérence ou véritable essence de l'homme?
Hierarchie et égalité.
Autonomie et autorité.
Voir l'émission de Nadia TAIBi " Lire et relire Simone Weil : pourquoi nous avons besoin de contradictions"
Pour Simone Weil il faudrait un but commun, universel. Elle le définit ainsi : " discerner et choisir également, dans tous les milieux humains, sans exception, en tous les lieux du globe, la fragile possibilité terrestre de beauté, de bonheur et de plénitude" (Luttons-nous pour la justice p 43). Là résiderait le vrai amour de l'humanité.
Qu'en pensez-vous ?
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