Les ateliers philo de Clotilde : programme de l'année 2019-2020. LE RESPECT

#11 Tous les êtres humains sont-ils respectables ?

Tous les hommes ont-ils droit au respect en vertu d'une dignité inscrite dans la nature humaine, ou bien ne doit-on le respect qu'à ceux qui se comportent conformément à l'idée que nous nous faisons de l'homme?
Les valeurs d'origine chrétienne et démocratique dans lesquelles nous sommes insérés nous font un devoir de respecter chaque personne humaine, c'est-à-dire de reconnaître en elle quelque chose qui la différencie des choses inertes et des autres vivants, et lui confère une liberté unique et sacrée; au nom d'une dignité liée à nos facultés, il nous serait interdit de faire violence, physiquement ou moralement à l'autre être humain. Où se loge exactement cette dignité? Sur quelles qualités réelles ou supposées repose-t-elle? Sommes-nous capables de la maintenir entière envers ceux qui ne parviennent pas à manifester ces capacités (handicapés), ceux qui n'y parviennent pas encore (enfant), ceux qui semblent y renoncer (criminels)? De façon très concrète : devons-nous respecter celui qui nous insulte?


#12 L'égalité entre hommes et femmes est-elle une marque de respect ?

Le respect et l'égalité semblent liés, car nous respectons ceux qui ont une valeur égale à la nôtre. Pourtant, entre les hommes et les femmes, force est de reconnaître qu'il y a de nombreuses différences. Donnent-elles lieu à des formes de respect différentes mais équivalentes, si bien que ces différences seraient une façon de reconnaître l'identité spécifique de chaque genre et donc de respecter cette identité, ou doit-on exiger le même respect, manifesté par les mêmes droits et les mêmes attitudes, pour éviter que sous le masque des différences se pointe une domination insidieuse? Et là où s'engagent des relations de désir, faut-il vraiment clarifier les intentions de façon explicite sur le modèle du contrat qui suppose la mise en relation ou peut-on laisser une place à la possibilité de séduire et de prendre des initiatives de façon un peu insistante? De façon très concrète, dans le débat #MeToo, qui respecte vraiment les femmes (et les hommes) : ceux qui demandent des consentements éclairés et explicites ou ceux qui réclament "le droit d'être importuné"? Et les quotas professionnels sont-ils une insulte aux capacités féminines ou le moyen de les faire reconnaître?


#13 Jusqu'où doit aller notre respect du droit de la nature ?

Devons-nous attribuer des droits aux animaux et à la nature en général pour respecter ainsi le tout dans lequel nous ne sommes qu'un élément et renoncer ainsi à notre égoïsme, ou est-il plus rigoureux et efficace de clarifier les devoirs des êtres humains envers la nature sans lui attribuer de droits?
Face à l'urgence du réchauffement climatique et au scandale de la souffrance animale, notre conscience morale nous invite à nous débarrasser d'une conception anthropocentriste de l'univers : respecter la nature, mettre en place des droits des animaux, et même des forets et des rivières, semble l'attitude à la fois la plus généreuse, la plus bénéfique pour nous-mêmes à long terme, et la plus éclairée d'un point de vue intellectuel. Mais nos bons sentiments ne nous égarent-ils pas? Que cherchons- nous vraiment à défendre : notre intérêt à long terme ou la préservation d'une nature dans laquelle nous n'aurions plus de privilèges? Faut-il nécessairement attribuer des droits aux animaux pour interdire de les maltraiter ou peut-on se contenter de devoirs imposés aux hommes? De quel "droit" au respect peuvent se prévaloir des être qui n'ont même pas l'idée de respect? Concrètement, avons-nous les mêmes relations avec les animaux de compagnie que nous aimons et sommes-nous prêts à respecter les moustiques et le virus de la grippe? Est-ce une atteinte à la nature animale de manger de la viande?


#14 Devons-nous respecter les hiérarchies sociales ?

Les hiérarchies sociales qui imposent un certain nombre d'attitudes de déférence sont-elles une trace indésirable d'une ancienne société de classe incompatible avec le respect du à chacun ou nous invitent-elles à articuler plus finement autorité et respect, de telle sorte que le respect puisse être combiné avec une forme d'obéissance et des façons culturelles de marquer la place de chacun dans la société?
Dans les sociétés démocratiques, le respect devrait s'adresser à la valeur intrinsèque de chacun, indépendamment de sa place dans la hiérarchie sociale : le respect est attaché à des qualités internes, contenus dans la nature humaine. Néanmoins, nous reconnaissons à ceux qui détiennent une forme de pouvoir et d'autorité une légitimité à commander dans le domaine qui est le leur :  le médecin dans son cabinet, l'enseignant dans sa classe, le Président dans l'exercice de ses fonctions, le chef dans son entreprise. Mais nous nous interrogeons sur la dissymétrie des attitudes : est-il bien nécessaire de marquer cette autorité par des signes distinctifs (une robe, une estrade, un titre à utiliser quand on s'adresse à la personne...)? L'autorité peut-elle s'accommoder d'un respect égalitaire ou instaure-elle des relations dans lesquelles ce respect est comme suspendu? A moins qu'il faille distinguer deux formes de respect? Peut-on parler à son patron ou à son Président comme à ses amis?


#15 Y-a-t'il des cultures qui sont irrespectueuses ?

Nous aimons vanter les droits de l'homme, qui sont devenus avec le temps les droits des hommes et des femmes et non plus seulement les droits des citoyens masculins, et nous nous insurgeons contre les pays qui discriminent les êtres humains en fonction de leur genre, de leur classe sociale, de leur couleur de peau, ou qui maintiennent des pratiques qui nous font horreur (polygamie, excision, cannibalisme). Sommes-nous dépositaires de la définition de l'humanité et de la façon dont elle doit être respectée? Devons-nous plutôt être attentifs aux significations spirituelles de pratiques qui nous semblent barbares mais qui pourraient bien honorer l'humanité d'une façon éclairante, de telle sorte que nous gagnerions plutôt à nous questionner sur le respect que nous manifestons à nos semblables?


#16 Comment respecter une personne en fin de vie ?

Lorsqu'un être humain, en raison de la maladie qui l'accable, qui'l s'agisse d'Alzheimer, d'un cancer, ou d'un coma prolongé, n'est plus en capacité d'exercer son discernement ni d'exprimer une volonté éclairée, de prendre soin de son propre corps et de ses biens, comment respecter sa liberté? Comment traiter comme une personne à part entière celui qui ne manifeste plus clairement pour nous les caractéristiques d'une personne autonome? Comment ne pas empiéter sur la liberté de celui qui n'est plus capable de l'exercer pleinement? Comment respecter l'intégrité de celui qui n'a pas pleinement conscience de lui-même? Le souvenir de ce que la personne était suffit-il? Devons-nous plonger dans notre propre intériorité, au risque de projeter notre volonté à la place de la sienne?

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