Les ateliers philo de Clotilde #8 : La vie sociale nous prive-t-elle de libertés? (lundi 4 février 2019)

Nous pourrons réutiliser l’allégorie de la caverne... voir atelier #6 : "Pour penser librement, faut-il refuser tous les cadres?"


Et les textes qu’on avait évoqués sur la politesse....voir atelier #3 : "la politesse, hypocrisie ou respect?"




Je propose sinon attaque le sujet par l’angle d’une réflexion sur la laïcité (à moins qu’on y consacre une séance spécifique ?)

 Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789
"Art 1 - Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune"
Art. 4- La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.
Art. 10 - Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi.
Art. 11- La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de cette liberté dans les cas déterminés par la loi."

Loi du 9 décembre 1905 (dite Loi de séparation des Eglises et de l'Etat):
"art. I - La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seuls restrictions éditées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public."
art. II - La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte..."



Sur le rôle des lois pour garantir la liberté, il y a de très beaux textes de Rousseau, celui-ci par exemple, extrait des Lettres écrites de la Montagne  (Gallimard, 1964, p. 841) : 

"On a beau vouloir confondre l'indépendance et la liberté. Ces deux choses sont si différentes  que même elles s'excluent mutuellement. Quand chacun fait ce qui lui plaît, on fait souvent ce qui déplait à d'autres, et cela ne s'appelle pas un état libre. La liberté consiste moins à faire sa volonté qu'à n'être pas soumis à celle d'autrui; elle consiste encore à ne pas soumettre la volonté d'autrui à la nôtre. Quiconque est maître ne peut être livre, et régner c'est obéir. Vos Magistrats savent cela mieux que personne, eux qui, comme Othon, n'omettent rien de servile pour commander. Je ne connais de volonté vraiment libre que celle à laquelle nul n'a le droit d'opposer de résistance; dans la liberté commune, nul n'a droit de faire ce que la liberté d'un autre lui interdit, et la vraie liberté n'est jamais destructrice d'elle-même. Ainsi la liberté sans la justice est une véritable contradiction; car comme qu'on s'y prenne tout gêne dans dans l'exécution d'une volonté désordonnée.
Il n'y a donc point de liberté sans Lois, ni où quelqu'un est au-dessus des Lois : dans l'état même de nature l'homme n'est libre qu'à la faveur de Loi naturelle qui commande à tous. Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas; il a des chefs, non pas des maîtres; il obéit aux .ois, mais il n'obéit qu'aux Lois et c'est par la force des Lois qu'il n'obéit pas aux hommes. Toutes les barrières qu'on donne dans les Républiques au pouvoir des Magistrats ne sont établies que pour garantir de leurs atteintes l'enceinte sacrée des Lois; ils en sont les Ministres non les arbitres, ils doivent les garder non les enfreindre. Un Peuple est libre, quelque force qu'ait son Gouvernement quand dans celui qui le gouverne il ne voit point l'home, mais l'organe de la Loi. En un mot, la liberté suit toujours le sort des Lois, elle règne ou périt avec elles; je ne sache rien de plus certain."

(Othon est un empereur romain qui était prêt à tout pour parvenir à ses fins)


... ou celui -ci tiré du Contrat Social (ch. 8, "De l'état civil") - Rousseau, pour fonder la légitimité de l'Etat, oppose "l'état civil", dans lequel les hommes sont gouvernés par des lois, à un hypothétique "état de nature" dans lequel les hommes auraient vécu en l'absence de lois : 
"Ce passage de l'état de nature à l'état civil produit dans l'homme un changement très remarquable, en substituant dans sa conduite la justice à l'instinct, et donnant à ses actions la moralité qui leur manquait auparavant. C'est alors seulement que la voix du devoir succédant à l'impulsion physique et le droit à l'appétit, l'homme, qui jusque-là n'avait regardé que lui?même, se voit forcé d'agir sur d'autres principes, et de consulter sa raison avant d'écouter ses penchants. Quoiqu'il se prive dans cet état de plusieurs avantages qu'il tient de la nature, il en regagne de si grands, ses facultés s'exercent et se développent, ses idées s'étendent, ses sentiments s'ennoblissent, son âme tout entière s'élève à tel point que si les abus de cette nouvelle condition ne le dégradaient souvent au?dessous de celle dont il est sorti, il devrait bénir sans cesse l'instant heureux qui l'en arracha pour jamais, et qui, d'un animal stupide et borné, fit un être intelligent et un homme.
Réduisons toute cette balance à des termes faciles à comparer. Ce que l'homme perd par le contrat social, c'est sa liberté naturelle et un droit illimité à tout ce qui le tente et qu'il peut atteindre ; ce qu'il gagne, c'est la liberté civile et la propriété de tout ce qu'il possède. Pour ne pas se tromper dans ces compensations, il faut bien distinguer la liberté naturelle qui n'a pour bornes que les forces de l'individu, de la liberté civile qui est limitée par la volonté générale, et la possession qui n'est que l'effet de la force ou le droit du premier occupant, de la propriété qui ne peut être fondée que sur un titre positif.
On pourrait sur ce qui précède ajouter à l'acquis de l'état civil la liberté morale, qui seule rend l'homme vraiment maître de lui ; car l'impulsion du seul appétit est esclavage, et l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté. Mais je n'en ai déjà que trop dit sur cet article, et le sens philosophique du mot liberté n'est pas ici de mon sujet."

Kant s'est beaucoup inspiré des écrits de Rousseau...
KANT, Idée d'une histoire universelle du point de vue cosmopolitique
"L'homme est un animal qui, du moment où il vit parmi d'autres individus de son espèce, a besoin d'un maître. Car il abuse à coup sûr de sa liberté à l'égard de ses semblables; et, quoique, en tant que créature raisonnable, il souhaite une loi qui limite la liberté de tous, son penchant animal à l'égoïsme l'incite toutefois à se réserver, dans toute la mesure du possible, un régime d'exception pour lui-même. Il lui faut donc un maître qui batte en brèche sa volonté particulière et le force à obéir à une volonté universellement valable, grâce à laquelle chacun puisse être libre"


On pourrait aussi revenir sur la pensée d'Epictète qu'on avait rencontrée à l'atelier #4 : 
"Lorsque tu est sur le point d'entreprendre une action, remets-toi dans esprit ce qu'est cette action. Si tu vas te baigner, représente-toi ce qui arrive dans un établissement de bain : les gens qui t'aspergent d'eau, qui te bousculent, t'injurient, te volent. Et ainsi tu entreprendras ton action avec plus d'assurance, si tu ajoute pour toi-même : "Je veux me baigner et en même temps que mon choix de vie reste en conformité avec la nature." Et qu'il en soit de même pour chaque action.
Car ainsi, si survient quelque empêchement à la baignade, que te soit présent à l'esprit : "Mais je ne voulais pas seulement me baigner, mais aussi en même temps faire en sorte que mon choix de vie demeure conforme à la nature; or, je ne le garderais pas dans cet état si je me mets en colère à cause des événements."





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