Les ateliers philo de Clotilde #4 : Mon bonheur dépend-il de moi? (lundi 16 avril 2018)

Comme d'habitude, voici quelques suggestions de lectures :

Comme le désir et le bonheur sont liés, vous pouvez retourner voir les textes de l'atelier #2 : Désir d'être ou désir d'avoir sur le blog pour commencer.


Je souhaite profiter de cet atelier pour vous présenter le stoïcisme.

Vous pouvez lire  Le manuel d'EPICTETE, dans l'édition de Pierre Hadot (l'introduction est rigoureuse mais demande un effort de concentration, tout en éclairant réellement le texte). Le texte d'Epictète est délibérément provocateur et caricatural, je crois, c'est pourquoi nous nous appuierons dessus car il est vraiment excellent pour mettre la pensée en mouvement.
J'ai mis plus bas des extraits du texte.

L'empereur MARC AURELE est un autre représentant du stoïcisme. Ses Pensées pour moi-mêmes sont également accessibles.

Plus mesuré et littéraire : SENEQUE, avec les très belles Lettres à Lucilius.

Plusieurs émissions des Chemins de la philosophie ont été consacrées au stoïcisme : série sur les stoïciens (janvier 2016) : 1 Chrysippe et Zénon, 2 le Manuel d'Epictète, 3 Marc Aurèle; "C'est ton destin", prenez-vous en mains avec les stoïciens (octobre 2017); les stoïciens, une philosophie de l'exigence (juin 2017); série sur les Lettres à Lucilius de Sénèque (mars 2017) : 1 Qu'est-ce que la philosophie stoïcienne?, 2 : comment apprivoiser la mort?, 3 Pourquoi mépriser l'argent?, 4 Peut-on se passer d'un ami?; explication d'un texte de Marc Aurèle (janvier 2016)



Le courant des épicuriens cherche aussi à répondre à la question, à proposer une sagesse qui nous permette d'être heureux.


Dans les lectures plus faciles, des ouvrages que j'avais déjà mentionnés à la première séance, ceux de Frédéric LENOIR ou Alexandre JOLLIEN, tournent toujours autour de cette question; leur style est clair et ils rendent familières les grandes idées de l'histoire de la philosophie (parfois en simplifiant à l'excès...). On trouve sur Youtube de nombreuses vidéos où ils en parlent (par exemple Lenoir "Du bonheur").
Frédéric LENOIR est actuellement en pleine vulgarisation de Spinoza (nous avions évoqué son dernier livre Le miracle Spinoza, dont il présente sa lecture ici). Si la lecture du texte de l'Ethique est difficile, on trouve également des présentations plus précises et probablement plus rigoureuses, par exemple : Chantal JAQUET, "Les remèdes aux affects chez Spinoza")

Les Propos sur le bonheur d'ALAIN, dont on a utilisé des extraits au sujet de la politesse sont aussi agréables à lire.




Extraits de texte



Arthur SCHOPENHAUER, Le monde comme représentation et comme volonté : tant que nous désirons, le bonheur nous échappe toujours

"Tout vouloir procède d'un besoin, c'est-à-dire d'une privation, c'est-à-dire d'une souffrance. La satisfaction y met fin; mais pour un désir qui est satisfait, dix au moins sont contrariés; de plus le désir est long, et si ses exigences tendent à l'infini, la satisfaction est courte, car elle est parcimonieusement mesurée. Mais ce contentement suprême lui-même n'est qu'apparent : le désir satisfait fait aussitôt place à un nouveau désir; le premier est une déception reconnue, le second est une déception non encore reconnue. La satisfaction d'aucun souhait ne peut procurer de contentement durable et inaltérable. C'est comme l'aumône qu'on jette à un mendiant : elle lui sauve aujourd'hui la vie pour prolonger sa misère jusqu'à demain. Tant que notre conscience est remplie par notre volonté, tant que nous sommes asservis à l'impulsion du désir, aux espérances et aux craintes continuelles qu'il fait naître, tant que nous sommes sujets du vouloir, il n'y a pour nous ni bonheur durable ni repos. Poursuivre ou fuir, craindre le malheur ou chercher la jouissance, c'est en réalité tout un. L'inquiétude d'une volonté toujours exigeante, sous quelque forme qu'elle se manifeste, emplit et trouble sans cesse la conscience : or, sans repos, le véritable bonheur est impossible. Ainsi le sujet du vouloir ressemble à Ixion attaché sur une roue qui ne cesse de tourner, aux Danaïdes, qui puisent toujours pour remplir leur tonneau, à Tantale éternellement altéré."



EPICTETE, Manuel : il ne tient qu'à nous d'être heureux, si nous avons le courage et la persévérance de travailler sur nos représentations, nos idées.
  
     1. Parmi les choses qui existent, les unes dépendent de nous, les autres ne dépendent pas de nous. Dépendent de nous : jugement de valeur, impulsion à agir, désir, aversion, en un mot, tout ce qui est notre affaire à nous. Ne dépendent pas de nous, le corps, nos possessions, les opinions que les autres ont de nous, les magistratures, en un mot, tout ce qui n’est pas notre affaire à nous.
Souviens-toi donc que, si tu crois que les choses qui sont par nature dans un état de servitude sont libres et que les choses qui te sont étrangères sont à toi, tu te heurteras à des obstacles dans ton action, tu seras dans la tristesse et dans l’inquiétude, et tu feras des reproches aux dieux et aux hommes. Si au contraire tu penses que seul ce qui est à toi est à toi, que ce qui t’est étranger – comme c’est le cas – t’est étranger, personne ne pourra exercer une contrainte sur toi, personne ne pourra plus te forcer, tu ne feras plus de reproches à personne, tu ne feras plus une seule chose contre ta volonté, personne ne pourra te nuire, tu n’auras plus d’ennemi, car tu ne subiras plus de dommage qui pourrait te nuire.
       Désirant donc des choses aussi élevées, souviens-toi que ce n’est pas en te contentant d’un effort modéré que tu dois chercher à les atteindre, mais qu’il y a des choses auxquelles tu dois totalement renoncer, et d’autres que tu dois remettre à plus tard pour le moment. Mais si tu veux et ces biens et en même temps magistratures et richesse, tu risques bien de ne même pas obtenir ces derniers, parce que tu désires aussi les premiers ; en tout cas il est sûr que tu n’obtiendras pas ces premiers biens, qui sont les seuls à procurer liberté et bonheur.

    Exerce-toi donc à ajouter d’emblée à tout représentation pénible : “ Tu n’es qu’une pure représentation et tu n’es en aucune manière ce que tu représentes. ” Ensuite examine cette représentation et éprouve-la à l’aide des règles qui sont à ta disposition, premièrement et surtout à l’aide de celle-ci : Faut-il la ranger dans les choses qui dépendent de nous ou dans les choses qui ne dépendent pas de nous ? Et si elle fait partie des choses qui ne dépendent pas de nous, que te soit présent à l’esprit que cela ne te concerne pas.


3. Pour chaque chose qui t’attire ou qui t’est utile ou que tu aimes, souviens-toi d’ajouter pour toi-même ce qu’elle est, en commençant par les choses les plus humbles. Si tu aimes une marmite, dis-toi : “ J’aime une marmite. ” Car si elle se casse, tu n’en seras pas troublé. Si tu embrasse ton enfant ou ta femme, dis-toi : “ J’embrasse un homme. ” S’il meurt, tu n’en seras pas troublé.

4. Lorsque tu es sur le point d’entreprendre une action, remets-toi dans l’esprit ce qu’est cette action.
Si tu vas te baigner, représente-toi ce qui arrive dans un établissement de bain : les gens qui t’aspergent d’eau, qui te bousculent, t’injurient, te volent. Et ainsi tu entreprendras ton action avec plus d’assurance, si tu ajoutes pour toi-même : “ Je veux me baigner et en même temps que mon choix de vue reste en conformité avec la nature. ” Et qu’il en soit de même pour chaque action.
Car ainsi, si survient quelque empêchement à la baignade, que te soit présent à l’esprit : “ Mais je ne voulais pas seulement me baigner, mais aussi, en même temps, faire en sorte que mon choix de vie demeure conforme à la nature ; or, je ne le garderais pas dans cet état, si je me mets en colère à cause des événements. ” 

5. Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les jugements qu’ils portent sur les choses.
Par exemple, la mort n’a rien de redoutable, car alors elle serait apparue telle à Socrate. Mais c’est le jugement que nous portons sur la mort, à savoir qu’elle est redoutable, qui est redoutable dans la mort.
Donc, quand nous nous heurtons à des difficultés, ou que nous éprouvons du trouble ou de la tristesse, n’en rendons jamais un autre responsable, mais nous-mêmes, c’est-à-dire nos jugements : c’est le fait de quelqu’un qui n’a pas encore reçu d’éducation de rendre les autres responsables du fait qu’il est malheureux ; c’est le fait de quelqu’un qui commence son éducation de s’en rendre responsable lui-même ; c’est le fait de quelqu’un qui a achevé son éducation de n’en rendre responsable ni un autre ni lui-même.


8. Ne cherche pas à ce que ce qui arrive arrive comme tu veux, mais veuille que ce qui arrive arrive comme il arrive, et le cours de ta vie sera heureux.

9. La maladie est une gêne pour le corps, mais pas pour le choix de vie, à moins que le choix de vie ne le veuille lui-même. La claudication est une gêne pour la jambe, mais pas pour le choix de vie.
Ajoute cette idée à l’occasion de chacun des accidents qui surviennent : tu découvriras qu’il est une gêne pour autre chose, mais pas pour toi.

14, 1. Si tu veux que tes enfants et ta femme et tes amis restent en vie, tu es un sot ; car tu veux que ce qui ne dépend pas de toi dépende de toi et que les choses qui te sont étrangères soient tiennes. De la même manière, si tu veux que ton esclave ne commette pas de faute, tu es un fou ; car tu veux que le mal moral ne soit pas mal moral, mais quelque chose d’autre.
Mais si tu veux, ayant un désir, ne pas le manquer, tu le peux. Exerce-toi donc dans les choses dont tu es capable.
2. Le maître de chaque homme, c’est celui qui a pouvoir sur les choses que cet homme veut, ou bien ne veut pas, soit pour les lui procurer soit pour les lui enlever. Quiconque veut être libre ne doit ni vouloir ni refuser quoi que ce soit des choses qui dépendent des autres. Sinon, il est nécessaire qu’il soit esclave. 

17. Souviens-toi que tu es un acteur qui joue un rôle dans une pièce qui est telle que la veut le poète dramatique. Un rôle bref, s’il veut que ton rôle soit bref, long, s’il veut qu’il soit long. S’il veut que tu joues le rôle d’un mendiant, veille à jouer ce rôle avec talent : ou un boiteux, ou un magistrat, ou un homme ordinaire. Car ce qui t’appartient, c’est ceci : bien jouer le rôle qui t’a été donné. Mais choisir ce rôle appartient à un autre.

20. Souviens-toi que celui qui t’outrage, ce n’est ni celui qui t’injurie, ni celui qui te frappe, mais ton jugement qui te fait penser que ces gens t’outragent. Donc, quand quelqu’un t’irrite, sache que c’est ton jugement de valeur qui t’irrite. Par suite, commence par t’exercer à ne pas te laisser entraîner par ta représentation. Car une fois que tu auras gagné temps et délai, tu seras plus facilement maître de toi.

25,2. Comment en effet celui qui ne vient pas assidûment frapper aux portes de quelqu’un pourrait-il avoir des avantages égaux à celui qui vient y frapper ? Comment pourrait-il y avoir égalité d’avantages entre celui qui ne prend pas la peine d’escorter et celui qui prend la peine d’escorter ? Tu seras donc injuste et insatiable, si, ne versant pas le prix auquel ces choses-là se vendent, tu veux les prendre gratuitement.
25, 3. Mais au fait, combien se vendent les laitues ? Une obole, peut-être. Si donc quelqu’un paie son obole et prend ses laitues, alors que toi, n’ayant rien payé, tu n’emportes pas de laitues, ne crois pas que tu aies moins que celui qui a eu les laitues : lui, il a eu ses laitues, toi, l’obole que tu n’as pas donnée. Il en va de même dans ce que nous disions. Tu n’as pas été invité au repas d’un tel ? C’est que tu n’as pas donné à celui qui invite le prix auquel il vend son repas. Il le vend pour des compliments, il le vend pour des prévenances. Si tu y trouves un avantage, paie le prix auquel le repas s’achète. Mais si tu ne veux pas payer le prix, et pour autant recevoir, tu es un insatiable et un sot. N’as-tu donc rien à la place de ce repas ? Si fait, tu as de n’avoir pas fait de compliments à qui tu ne voulais pas en faire et de n’avoir pas subi les insolences de ses portiers.





Emmanuel KANT Fondements de la métaphysique de mœurs (1785), IIe section, Traduction V. Delbos, éd. Delagrave, 1997, pp.131-132 : il ne dépend pas de nous d'être heureux, mais seulement de mériter de l'être. A rattacher à l'impératif catégorique, qui nous dit comment nous pouvons agir moralement (atelier #3), et à l'impératif d'habileté, qui nous indique comment agir efficacement. L'impératif de prudence est le plus indéterminé.


«  Le concept de bonheur est un concept si indéterminé, que, malgré le désir qu’a tout homme d’arriver à être heureux, personne ne peut jamais dire en termes précis et cohérents ce que véritablement il désire et il veut. La raison en est que tous les éléments qui font partie du concept du bonheur sont dans leur ensemble empiriques, c’est-à-dire qu’ils doivent être empruntés à l’expérience, et que cependant pour l’idée du bonheur un tout absolu, un maximum de bien-être  dans mon état présent et dans toute ma condition future, est nécessaire. Or il est impossible qu’un être fini, si  perspicace et en même temps si puissant qu’on le suppose, se fasse un concept déterminé de ce qu’il veut ici véritablement. Veut-il la richesse ? Que de soucis, que d’envie, que de pièges ne peut-il pas par là attirer sur sa tête ! Veut-il beaucoup de connaissance et de lumières ? Peut-être cela ne fera-t-il que lui donner un regard plus pénétrant pour lui représenter d’une manière d’autant plus terrible les maux qui jusqu’à présent se dérobent encore  à sa vue et qui sont pourtant inévitables, ou bien que charger de plus de besoins encore ses désirs qu’il a déjà bien assez de peine à satisfaire. Veut-il une longue vie ? Qui lui répond que ce ne serait pas une longue souffrance ?  Veut-il du moins la santé ? Que de fois l’indisposition du corps a détourné d’excès où aurait fait tomber une santé parfaite, etc… Bref, il est incapable de déterminer avec une entière certitude d’après quelque principe ce qui le rendrait véritablement heureux : pour cela il lui faudrait l’omniscience. On ne peut donc pas agir, pour être heureux, d’après des principes déterminés, mais seulement d’après des conseils empiriques, qui recommandent, par exemple, un régime sévère, l’économie, la politesse, la réserve,  etc…,  toutes choses qui, selon les enseignements de l’expérience, contribuent en thèse générale pour la plus grande part au bien être. Il suit de là que les impératifs de la prudence, à parler exactement, ne peuvent commander en rien, c’est-à-dire représenter des actions de manière objective comme pratiquement nécessaires, qu’il faut les tenir plutôt pour des conseils (consilia) que pour des commandements (praecepta) de la raison : le problème qui consiste à déterminer de façon sûre et générale quelle action peut favoriser le bonheur d’un être raisonnable est un problème tout à fait insoluble ; il n’y a donc pas à cet égard d’impératif qui puisse commander, au sens strict du mot, de faire ce qui rend heureux, parce que le bonheur est un idéal non de la raison mais de l’imagination, fondé uniquement sur des principes empiriques, dont on attendrait vainement qu’ils puissent déterminer une action par laquelle serait atteinte la totalité d’une série de conséquences en réalité infinie. »


ALAIN, Propos sur le bonheur.
"Il est bon d'avoir un peu de mal à vivre et de ne pas suivre une route toute unie. Je plains les rois s'ils n'ont qu'à désirer; et les dieux, s'il y en a quelque part, doivent être un peu neurasthéniques; on dit que dans les temps passés, ils prenaient forme de voyageurs et venaient frapper aux portes; sans doute ils trouvaient un peu de bonheur à éprouver la faim, la soif et les passions de l'amour. Seulement, dès qu'ils pensaient un peu à leur puissance, ils se disaient que tout cela n'était qu'un jeu, et qu'ils pouvaient tuer leur désir s'ils le voulaient, en supprimant le temps et l'espace. Tout compte fait, ils s'ennuyaient. Le bonheur suppose sans doute toujours quelque inquiétude, quelque passion, une pointe de douleur qui nous éveille à nous-mêmes. Il est ordinaire qu'on air plus de bonheur par l'imagination que par les biens réels. Cela vient de ce que, lorsqu'on a les biens réels, on croit que tout est dit, et l'on s'assied au lieu de courir. Il y a deux richesses ; celle qui laisse assis, ennuie; celle qui plaît est celle qui veut des projets encore et des travaux, comme est pour le paysan le champ qu'il convoitait, et dont il est enfin maître; car c'est la puissance qui plaît, non point la puissance au repose, mais la puissance en action. L'homme qui ne fait rien n'aime rien. Apportez-lui des bonheurs tout faits, il détourne la tête comme un malade. Le difficile est ce qui lui plaît. Aussi, toutes les fois qu'il y a quelque obstacle sur la route, cela fouette le sang et ravive le feu. J'ai connu plus d'un roi. C'étaient de petits rois, d'un petit royaume; rois dans leur famille, trop aimés, trop flattés, trop choyés, trop bien servis. Ils n'avaient point le temps de désirer. Des yeux attentifs, lisaient dans leur pensée. Eh bien ces petits Jupiters voulaient malgré tout lancer la foudre; ils inventaient des obstacles; ils se forgeaient des désirs capricieux, voulaient à tout prix vouloir, et tombaient dans l'ennui de l'extravagance."
... à rapprocher du premier atelier... le texte évoque aussi pour moi la chanson de Johnny Halliday, L'envie (vous pouvez l'écouter ici)


Quelques citations connues de SPINOZA, tirées de l'Ethique :

On ne doit pas concevoir l'homme "comme un empire dans un empire"(3e partie, préface)
"Les hommes se croient libres pour cette seule raison qu'ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par où ils sont déterminés" (III, 2, scolie)
"Chaque chose, suivant sa puissance d'être, s'efforce de persévérer dans son être" (III, prop. 6)
Nous éprouvons de la joie quand nous augmentons notre puissance d'action.
L'amour est une "joie qu'accompagne l'idée d'une cause extérieure" (III, 13)
"Ce n'est pas parce que quelque chose est bon que nous le désirons, mais au contraire nous appelons bonne la chose que nous désirons" (III, 39, scolie)


"J'appelle servitude l'impuissance des hommes à gouverner et à réduire ses affects; soumis aux affects, en effet, l'homme ne relève pas de lui-même, mais de la fortune, dont le pouvoir est tel sur lui que souvent il est contraint, voyant le meilleur, de faire le pire" (4e partie, préface) "On ne peut réduire ou supprimer un affect que par un affect contraire et plus puissant que l'affect à réduire"(IV, prop. 7)
"Nous appelons bon ou mauvais ce qui est utile ou nuisible à la conservation de notre être" (IV, 8, démonstration)
"Le désir est l'essence de l'homme" (IV, 18)
"Quand chaque homme cherche le plus ce qui lui est utile à lui-même, alors les hommes sont le plus utile les uns aux autres"(IV, 35)








Commentaires

  1. Le conte dont Valérie nous a parlé :

    CONTE DE L’HOMME REFLECHI
    Un pauvre chinois suscitait la jalousie des plus riches du pays parce qu’il possédait un cheval blanc extraordinaire. Chaque fois qu’on lui proposait une fortune pour l’animal, le vieillard répondait : « Ce cheval est beaucoup plus qu’un animal pour moi, c’est un ami, je ne peux pas le vendre ».
    Un jour, le cheval disparut. Les voisins rassemblés devant l’étable vide donnèrent leur opinion : « Pauvre idiot, il était prévisible qu’on te volerait cette bête. Pourquoi ne l’as-tu pas vendue ? Quel malheur ! ». Le paysan se montra plus circonspect. « N’exagérons rien, dit-il. Disons que le cheval ne se trouve plus dans l’étable. C’est un fait. Tout le reste n’est qu’une appréciation de votre part. Comment savoir si c’est un bonheur ou un malheur ? Nous ne connaissons qu’un fragment de l’histoire. Qui sait ce qui adviendra ? ». Les gens se moquèrent du vieil homme. Ils le considéraient depuis longtemps comme un simple d’esprit.
    Quinze jours plus tard, le cheval blanc revint. Il n’avait pas été volé, il s’était tout simplement mis au vert et ramenait une douzaine de chevaux sauvages de son escapade. Les villageois s’attroupèrent de nouveau : « Tu avais raison, ce n’était pas un malheur mais une bénédiction. » « Je n’irai pas jusque là, fit le paysan. Contentons-nous de dire que le cheval blanc est revenu. Comment savoir si c’est une chance ou une malchance ? Ce n’est qu’un épisode. Peut-on connaître le contenu d’un livre en ne lisant qu’une phrase ? » Les villageois se dispersèrent, convaincus que le vieil homme déraisonnait. Recevoir douze beaux chevaux était indubitablement un cadeau du ciel. Qui pouvait le nier ?
    Le fils du paysan entreprit le dressage des chevaux sauvages. L’un d’eux le jeta à terre et le piétina. Les villageois vinrent une fois de plus donner leur avis : « Pauvre ami ! Tu avais raison, ces chevaux sauvages ne t’ont pas porté chance. Voici que ton fils unique est estropié. Qui donc t’aidera dans tes vieux jours ? Tu es vraiment à plaindre. » « Voyons, rétorqua le paysan, n’allez pas si vite. Mon fils a perdu l’usage de ses jambes, c’est tout. Qui dira ce que cela nous aura apporté ? La vie se présente par petits bouts, nul ne peut prédire l’avenir. »
    Quelques temps plus tard, la guerre éclata et tous les jeunes gens du village furent enrôlés dans l’armée sauf l’invalide. « Vieil homme, se lamentèrent les villageois, tu avais raison, ton fils ne peut pas marcher, mais il reste près de toi tandis que nos fils vont se faire tuer. » « Je vous en prie, répondit le paysan, ne jugez pas hâtivement. Vos jeunes sont enrôlés dans l’armée, le mien reste à la maison, c’est tout ce que nous puissions dire. Dieu seul sait si c’est un bien ou un mal. »

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  2. Les références sur Spinoza proposées par Erik
    Voici une des émissions qui m’avait mis l’eau à la bouche concernant Spinoza :
    https://www.franceculture.fr/emissions/les-racines-du-ciel/la-philosophie-de-la-joie-avec-bruno-giuliani

    Il est encore possible de l’écouter.

    Le site de l’auteur qui c’est spécialisé dans le « bonheur » !
    http://www.brunogiuliani.com

    Ses livres :
    http://www.brunogiuliani.com/livres.html

    Notamment l’Éthique reformulée pour notre temps :
    https://www.amazon.fr/bonheur-avec-Spinoza-Bruno-Giuliani/dp/2351180690

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